Désarmer la République face à la haine : une regrettable provocation
- Tristan Foveau
- 28 nov. 2024
- 2 min de lecture

Tribune publiée dans l'Ouest France le 27 novembre 2024 : https://www.ouest-france.fr/politique/tribune-desarmer-la-republique-face-a-la-haine-une-regrettable-provocation-selon-t-foveau-33131050-ac02-11ef-9b54-3c56a96f72e2
Pierre-Yves Cadalen a récemment cosigné une proposition de loi d’abrogation du délit d’apologie du terrorisme. Sous le prétexte de défendre les libertés fondamentales, cette initiative s’apparente plus à une provocation intellectuelle qu’à une démarche législative sérieuse. Elle menace surtout de créer un vide juridique en matière de lutte contre la propagande terroriste.
Introduit en 2014 à l’article 421-2-5 du code pénal, le délit d’apologie du terrorisme a été pensé pour répondre à l’évolution des menaces contemporaines. Il est devenu un outil autonome dans l’arsenal pénal, afin notamment de sanctionner les discours diffusés en ligne. En 2022, plus de 400 condamnations ont ainsi été prononcées sur sa base, ciblant des comportements qui glorifient la violence et alimentent la radicalisation. La proposition de loi cherche à balayer ce cadre juridique sans proposer de solution alternative crédible.
Avant 2014, les faits d’apologie relevaient de la loi sur la presse de 1881, mal taillée pour les réalités numériques et les enjeux sécuritaires modernes. En 2014, la création d’un délit autonome dans le code pénal visait à créer une réponse plus rapide et adaptée dans un contexte de menace terroriste, tout en prévoyant des sanctions plus dissuasives, allant jusqu’à 7 ans d’emprisonnement.
Contrairement à ce qu’avancent les auteurs de la proposition, celle-ci ne prévoit pas de réintégrer ces infractions dans la loi de 1881. Elle se contente d’abroger le délit d’apologie du terrorisme, laissant planer un risque de vide juridique. Comment expliquer à nos concitoyens que la glorification d’actes terroristes pourrait ne plus être sanctionnée efficacement ? Dans le contexte de menace terroriste que nous connaissons depuis 2011, cette proposition apparaît inutilement polémique.
Certes, le délit d’apologie du terrorisme fait l’objet de critiques légitimes. Des pistes d’amélioration existent : clarifier les contours du délit en définissant plus précisément les comportements incriminés pour éviter des interprétations excessives ou arbitraires ; mettre en place une instance indépendante d’évaluation capable de vérifier que l’application de ce délit respecte la proportionnalité et la liberté d’expression, notamment en cas de propos non directement incitatifs.
Cette proposition de loi détourne donc un débat utile, celui de l’équilibre entre sécurité et libertés fondamentales, en le réduisant à une posture. Plutôt que de proposer des solutions concrètes pour améliorer et encadrer ce dispositif, les auteurs préfèrent instrumentaliser un sujet grave à des fins électoralistes, sacrifiant la responsabilité au calcul.
Il ne s’agit pas de choisir entre réformer ou supprimer : il s’agit de protéger nos institutions et nos citoyens en améliorant les dispositifs antiterroristes. En choisissant l’abrogation pure et simple, les auteurs de cette proposition cherchent à alimenter une posture déconnectée des réalités pénales.
C’est une dérive. Le législateur a le devoir d’agir pour renforcer la lutte contre la haine et le terrorisme, pas de la fragiliser.
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