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Relever les défis de l’agriculture bretonne

  • Photo du rédacteur: Tristan Foveau
    Tristan Foveau
  • 2 mars 2022
  • 4 min de lecture

On ne peut pas imaginer la Bretagne sans son agriculture et ses agriculteurs, qui ont façonné nos paysages et déterminé l’orientation de notre économie. Ici, plus qu’ailleurs, le poids de l’agriculture reste déterminant : la Bretagne est la première région de production en France pour les choux fleurs (81% de la production nationale) les artichauts (70%), les échalotes (80%) ou les tomates (26%). Elle représente 23% de la valeur de la production animale et est en tête pour les porcs (55%), pour les volailles de ponte (43%) pour les volailles de chair (32%), pour les vaches laitières (21%) pour les veaux (20%).


Par ailleurs, de quoi a fondamentalement besoin l’agriculture ? De terres fertiles et de professionnels qui disposent d’un savoir-faire. Nous n’en manquons pas en Bretagne puisque 53% du territoire est constitué de terres arables (contre 33% au plan national) et que l’emploi agricole dans notre région se distingue également, représentant 4% de l’emploi breton (contre une moyenne nationale de 2%).


Mais une nature généreuse et un savoir-faire perpétué de générations en générations ne suffisent pas à garantir la pérennité d’une agriculture bretonne qui a aussi, et peut-être surtout, besoin de politiques publiques ambitieuses pour réguler le marché. En effet, partout dans le monde, le libéralisme conduit à la concentration des exploitations, sans considération pour le respect des droits des agriculteurs ou la défense de la biodiversité et de l’environnement. Déjà, dans les années 30, Tanguy Prigent avait démontré que les lois du marché allaient à l’encontre des intérêts des cultivateurs.


Notre agriculture est de ce point de vue confrontée à plusieurs défis qu’elle va devoir surmonter sous peine de disparaitre ou d’être remplacée par un autre modèle dont nous ne voulons pas : une concentration toujours accrue des exploitations avec des conséquences dramatique en matière d’emploi, d’environnement et d’aménagement du territoire.


Comment faire évoluer notre modèle agricole afin qu’il reste créateur de richesses, qu’il devienne plus social, plus écologique et qu’il réponde aux aspirations des consommateurs ? La présente contribution n’a pas la prétention d’apporter des réponses précises et détaillées à ces nombreux défis mais simplement de mettre en exergue quelques-uns d’entre eux.

  • L’installation

Il faudra d’abord relever le défi du renouvellement des générations qui se pose de deux manières : d’une part quant à l’attrait du métier et d’autre part quant à l’accès au foncier.


Nous avons d’abord une responsabilité dans l’image que nous donnons des agriculteurs. Les faire passer pour d’ignobles pollueurs, maltraitant leurs animaux est une faute. Le métier d’agriculteur se transmet encore de père en fils ou de mère en filles. Mais moins qu’avant : près de 30% des nouveaux agriculteurs qui s’installent ne sont pas issus du milieu agricole. Il faut par conséquent les former et les accompagner. C’est l’ambition de la région Bretagne qui prévoit de parvenir d’ici la fin de ce mandat à 1000 installations au lieu des 650 actuellement.


L’accès au foncier est, et va de plus en plus, devenir un sujet essentiel. Nous devons donc lutter contre l’artificialisation des terres agricoles mais aussi contre la spéculation qui empêche l’installation de jeunes.

  • Les négociations avec lesdistributeurs

Les lois Egalim 1 et Egalim 2 devaient garantir un revenu décent aux producteurs. Force est de constater que le compte n’y est pas et que le rapport de force est bien trop inégal entre les agriculteurs et des quelques grandes centrales d’achat qui imposent leur loi. L’annonce de la vente de baguettes de pain à 29 centimes par Michel-Édouard Leclerc est à cet égard une véritable provocation.


Cette course aux prix bas et même très bas est un non-sens. La part de l’alimentation dans les dépenses des ménages est passée de 30% dans les années 50% à 11% aujourd’hui. Mais il faut avoir le courage de dire que cette course doit s’arrêter et que les agriculteurs doivent pouvoir vivre de leur travail.


La fixation du prix des productions agricoles devra sans doute être réformée. La tension qui monte, notamment sur le marché du porc, probablement accentuée encore par le conflit en Ukraine, appelle des propositions pour en finir avec les fluctuations qui conduisent irrémédiablement à la concentration des exploitations.

  • La PAC

Notre agriculture n’aurait pas pu se développer sans la politique agricole commune. Mais si elle a permis de relever le défi de la production, elle n’est pas encore assez performante pour permettre d’aider les agriculteurs à répondre aux demandes des consommateurs qui veulent plus de qualité. Le calcul des aides est encore trop lié à la taille des exploitations. La Bretagne s’est portée candidate pour que les aides soient régionalisées mais elle s’est heurtée au refus de la FNSEA et du gouvernement.

  • La recherche

Pour parvenir à cette agriculture plus propre, il faut que la recherche, agronomique, mais aussi technologique, soit soutenue pour qu’elle puisse proposer des innovations tant pour les végétaux que pour les animaux. Pour se distinguer sur le marché mondial, et pour répondre aux attentes des consommateurs, les agriculteurs bretons doivent encore plus miser sur l’innovation.

  • La diversification des activités

Si la fonction première de l’agriculture doit rester l’alimentation humaine, il ne faut pas négliger d’autres fonctions, rémunératrices pour les agriculteurs, qui demandent à être encadrées mais développées. On peut bien sûr citer le tourisme, comme les locations de gites ou des activités de découvertes du monde agricole.


Mais aussi, la production d’énergie, qu’il s’agisse de méthanisation, d’installation de panneaux photovoltaïques sur les terrains agricoles (agrivoltaïsme) L’ADEME estime que la part de l’agriculture dans la production d’énergie renouvelable pourrait atteindre 30% d’ici 2050.


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Tous ces défis ont un point commun : ils ne pourront être relevés sans une forte intervention publique des collectivités locales, de l’Etat et bien sûr de l’Union européenne. Laissée entre les mains du marché, notre agriculture, dans le contexte mondial, ne résisterait que quelques années face à des concurrents Brésiliens ou Chinois qui ne respectent pas les mêmes normes sociales ou environnementales.


Installation de nouveaux agriculteurs, maitrise du foncier, recherche, production d’énergie, rééquilibrage du rapport de force entre producteurs, transformateurs et distributeurs… voilà quelques défis que nous devons relever pour préserver notre souveraineté alimentaire, nos emplois, nos paysages et notre environnement.


2 Comments


Arnold PAVLOVIC
Arnold PAVLOVIC
Mar 02, 2022

Merci Tristan pour cette analyse claire, détaillée et argumentée. Un vrai défi pour nos politiques publiques nationales et de proximité. C'est un enjeu majeur un peu oublié par nos candidats à l'élection présidentielle qui après un détour "forcé" par le salon de l'agriculture ont vite fait d'oublier cet enjeu qui demande plus d'investissement que le sociétal et moins à la mode auprès des différents cercles parisiens. Bravo pour votre investissement sur ce sujet majeur de notre belle région.

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Tristan Foveau
Tristan Foveau
Mar 02, 2022
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Merci Arnold!

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