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Réforme d’EDF : pourquoi un tel secret autour des négociations ?

  • Photo du rédacteur: Tristan Foveau
    Tristan Foveau
  • 10 mai 2021
  • 2 min de lecture

La foudre serait-elle tombée sur le projet Hercule d’EDF ? Interrogé par Ouest France le 23 avril, Bruno Le Maire affirme en effet que celui-ci est « oublié » et que le Gouvernement ne démantèlera pas EDF en trois sociétés indépendantes : EDF bleu contrôlée par l’État et rassemblant les activités liées au nucléaire ; EDF Azur chargée de la gestion des barrages hydroélectriques sous la forme d’une quasi-régie ; et EDF Vert pour la distribution d'électricité et les énergies renouvelables, dont le capital serait ouvert au privé.


En réalité, le ministre applique une règle d’or du mauvais marketing : quand une marque pâtit d’une mauvaise image, plutôt que de changer le contenu, on change de marque ! Et de fait, syndicats, parlementaires, élus locaux, citoyens… Hercule fait depuis plusieurs mois l’unanimité contre lui[1].


Exit donc « Hercule », mais pas la réforme puisque Bruno Le Maire appelle désormais à construire le « grand EDF » et que les tractations avec Bruxelles sur le sujet se poursuivent aussi inéluctablement que confidentiellement. Mais pourquoi maintenir un tel secret autour de ces discussions ? Ni la représentation nationale, ni les élus locaux, ni, a fortiori, le grand public ne disposent d’informations précises et confirmées. Pis, auditionné le 10 février au Sénat, Jean-Bernard Lévy, PDG du groupe, admettait lui-même ne pas être au fait du contenu des échanges avec l’Union.


Si, dans notre système institutionnel, l’élection présidentielle confère à son vainqueur une légitimité démocratique pour cinq ans qui permet au Chef de l’État et au Gouvernement d’agir, celle-ci ne saurait se muer en un blanc-seing général, inconditionnel et absolu.


Si la réforme d’EDF devait demain aboutir, elle prendrait corps dans un projet de loi ou une ordonnance. Les parlementaires seraient donc appelés à se prononcer sur un texte qu’ils n’auraient à aucun moment contribué à définir et sur lequel leur capacité d’amendement serait contrainte par le résultat des discussions menées avec la Commission. Paradoxe démocratique s’il en est. En vérité, le gouvernement utilise indument le secret qui entoure les négociations européennes pour soustraire aux yeux de la représentation nationale le contenu des négociations.


Or, sur des sujets aussi critiques pour notre Nation que son avenir énergétique, ne paraitrait-il pas normal que le Parlement puisse contribuer à définir et contrôler les mandats de négociation que le Gouvernement défend auprès de l’UE ?


Afin de contrebalancer ce déséquilibre institutionnel patent, il faut envisager de conférer au Parlement la capacité d’encadrer le pouvoir discrétionnaire du gouvernement, via un dispositif de résolution parlementaire contraignante introduit à l’article 88-4 de la Constitution. La Ve République ne facilitant pas cet exercice, il pourrait, à tout le moins, être prévu une information régulière et détaillée des commissions compétentes de l’Assemblée et du Sénat sur le cadre et le contenu des négociations.


Pour Jürgen Habermas « des déficits de légitimité se font sentir chaque fois que le cercle des personnes qui participent aux décisions démocratiques ne recoupe pas le cercle de ceux qui subissent les conséquences de ces décisions ». De telles dispositions, sans entraver en rien l’action gouvernementale, contribueraient à réduire ces déficits de légitimité.

[1] Cf. notamment sur les tenants et les aboutissants du projet : « Projet Hercule : vers la fin du service public de l’électricité ? », Ouest France du 28 janvier 2021. Disponible ici : https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/edf/point-de-vue-la-fin-du-service-public-de-l-electricite-7134075




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